Les voyages à l’étranger de 1936 à 1963 ont influencé la conscience apostolique de Maestra Tecla. Quatorze longs voyages par terre, par mer, par air. Si ses premiers voyages provoquaient l’étonnement et la surprise, les suivants gravent dans son cœur le sens du salut vécu jusqu’à la souffrance. En 1949, elle écrivait des Philippines :
Cette fois je veux attirer votre attention sur une pensée qui m’impressionne beaucoup durant ce voyage. Combien sont nombreuses dans le monde les âmes qui ne connaissent pas le Seigneur et ne l’aiment pas ! Il faut vraiment sortir un peu de notre cocon pour nous persuader de cette triste réalité. Lorsqu’on lit les statistiques : «tant de million d’êtres humains…» c’est vite dit ! Mais de les voir – seulement en traversant leurs pays, comme nous l’avons fait –, de voir dans leurs villes ce fourmillement de personnes… quelle impression ! Nous qui sommes appelées à un apostolat tellement vaste qu’il embrasse le monde, nous devons sentir le besoin d’aider tous ces frères et ces sœurs, eux aussi des enfants de Dieu ; nous devons leur faire du bien, contribuer à leur salut par la prière et par l’apostolat. Comme nous le disons dans la prière à Marie, Reine-des-Apôtres, il faut «que les besoins spirituels de l’humanité – de l’Asie immense, de l’Afrique, de l’Océanie, de l’Europe… – nous émeuvent». Je voudrais que toutes les Filles de Saint-Paul ressentent cet amour pour les âmes.
Ce serrement de cœur se transforme en responsabilité et en prise de conscience que «le monde entier est un champ d’apostolat pour nous. Nous devons aimer tout le monde pour faire du bien à tous.» (VPC 153)
Durant ses voyages, elle réfléchit et s’enrichit au contact des différentes cultures. Au retour, elle communique ce qu’elle a appris parce que, dit-elle, il y a toujours quelque chose de nouveau à saisir, ne fusse qu’une idée toute simple qui cependant pourrait mûrir en temps opportun et se transformer en initiative apostolique (cf. VPC 38, 39, 45, 126).
Elle aimait parler des pays [visités] : coutumes, habitudes, climat, beauté de la nature… Mais aussi, avec peine, des grandes misères morales. Elle disait : Si tout ce monde pouvait connaître le Seigneur !» Puis, en soupirant, elle terminait : «Pourtant, il faut le faire connaître!… Oh, si je pouvais imprimer des sœurs comme on imprime des livres !»
Son dernier voyage en Orient, en 1962, fut occasion de joie pour elle, mais aussi de souffrance : joie, parce qu’elle voyait le développement de la Congrégation ; souffrance, parce qu’elle comprenait les besoins de l’Église et l’impossibilité d’arriver rapidement à tous.
Durant son séjour à Taipei, elle nota dans son carnet personnel : «Les malheureux ! ils sont obligés de travailler dans l’eau; la plupart sont païens […] Seigneur, pitié pour ces personnes qui ne te connaissent pas […]». Quelques jours plus tard, à Nagoya (Japon), elle reprend la même prièr : «Combien ne te connaissent pas encore, oh mon Dieu ! Pauvre gens ! Suscite de nombreuses vocations qui te fassent connaître et aimer.»
Cette douleur pour les âmes qui n’aiment pas Dieu ou qui ne le connaissent pas [encore] fut le moteur qui la poussa à insuffler un grand esprit apostolique en toutes les sœurs.
Une de ses dernières décisions révèle son esprit missionnaire : durant le mois d’octobre 1963, il était question d’ouvrir une maison dans un pays où la plupart des gens étaient analphabètes. On se demandait comment pouvait s’y exercer l’apostolat des éditions, et on demeurait dans l’incertitude. C’est par les paroles suivantes que la Prima Maestra mit fin à la discussion :
Si la plupart des gens ne savent pas lire, on pourra faire du bien par les disques et les images. Mais là aussi il est nécessaire d’ouvrir un centre d’apostolat. Là aussi il est nécessaire de faire connaître le Seigneur. Là aussi il faut d’une manière ou d’une autre faire arriver largement l’Évangile !